par François Mémier, le vendredi 28 juin 2013
Geneviève Guy-Gillet, m’a sans doute connu bien plus intimement que je ne la connais puisqu’elle fut mon analyste.
Plus tard elle m’a encore accompagné dans mon travail avec mes patients, tout particulièrement
dans le travail avec les enfants. Geneviève Guy-Gillet avec l’aide de Denise
Lyard avait en effet structurée et mis en place à la sfpa une formation spécifique pour les
analystes d’enfants. De cet accompagnement je garde le vif souvenir de son accueil, toujours
extêmement attentif et chaleureux, néanmoins empreint de toute la rigueur indispensable au
travail analytique.
Comme en témoignent ses nombreuses communications dans les Cahiers jungiens de psychanalyse
dont elle fut rédactrice en chef pendant plusieurs années, et jusqu’au printemps de
1998, Geneviève Guy-Gillet manifestait une grande sensibilité très attentive aux autres,
et tout à la fois une grande profondeur d’analyse intellectuelle. Très curieuse de tout ce qui
touchait à l’humain Geneviève s’intéressait particulièrement aux rapports du corps et de la
psyché, à l’être psycho-somatique. À cet égard, elle pouvait se montrer d’une grande audace
intellectuelle mais sans oublier jamais la référence clinique. Dans un article publié en 1993
elle écrit par exemple :
« Si, dans l’analyse, l’émergence d’un contenu somatique doit être traité
comme matériau d’analyse, au même titre qu’un autre, cela ne veut pas dire
que le langage du corps nous soit toujours accessible, ni qu’un corps malade relève
nécessairement de l’analyse. J’aimerais insister sur cette part d’inconnu qui
nous demeure pour un temps — ou à jamais ? — inaccessible, et avec laquelle
nous savons tous que nous avons à faire chacun dans notre propre domaine.
Mais lorsque les mots jaillissent au-dessus d’un espace jadis vidé de significations
pour témoigner de l’aboutissement d’un parcours commencé dans les profondeurs
du corps, il se produit chez l’analyste, comme chez l’analysant, un moment de
plénitude, que nous saluons avec gratitude. »
Je sais que nous sommes très nombreux à éprouver une immense gratitude à l’égard de
Geneviève, de son humanité, et de sa pensée si riche que nous sommes encore bien loin
d’en épuiser l’exploration qui constitue un terreau si fertile pour la nôtre ; plusieurs membres
de la sfpa m’en ont témoigné. En 1994 elle a publié La blessure de Narcisse qu’elle
m’a dédicacé ainsi : « À François Mémier, en souvenir de la rencontre avec l’enfant joueur. »,
et je crois qu’en effet cette femme, par delà les vicissitudes et les combats de sa vie avait
su conserver son âme inventive et créative d’enfant. Partie pour le dernier voyage de cette
vie terrestre, j’ai l’impression de l’entendre me dire, et vous dire, comme le Petit Prince
d’Antoine de Saint-Exupéry :
« Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c’est doux, la nuit de regarder
le ciel.
Toutes les étoiles sont fleuries. Tu regarderas la nuit les étoiles.
C’est trop petit chez moi pour que je te montre la mienne.
C’est mieux comme ça. Mon étoile, ça sera pour toi une des étoiles.
Alors toutes les étoiles tu aimeras les regarder… Elles seront toutes tes amies.
Et puis je vais te faire un cadeau…
Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns qui voyagent,
les étoiles sont des guides. Pour d’autres, elles ne sont rien d’autre que de petites
lumières. Pour d’autres qui sont savants elles sont des problèmes. Mais toutes ces
étoiles là se taisent.
Toi, tu auras des étoiles comme personne n’en a…
Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque
je rirai dans l’un d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles.
Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire !
Ce sera comme si je t’avais donné, au lieu d’étoiles, des tas de petits grelots qui
savent rire…
Je ne te quitterai pas. »