Volume 15
000561 – Paracelse. (1929)
In Jung, Collected Works of C. G. Jung, Vol.15, Princeton University Press, 1966, 160 p. (p. 3-12), (§1-17), & Jung, PROBLÈME DE L’ÂME MODERNE, Buchet Chastel, Paris 1960, (p.381-393) & Jung, SYNCHRONICITÉ ET PARACELSICA, Paris, Albin Michel, 1988, (p.123-134).
La vie, la philosophie et les contributions à la science moderne du physicien suisse Paracelse sont évoqués dans un exposé présenté à la maison natale de Paracelse. Dominée par les Alpes, celle-ci a eu une grande importance dans la jeunesse de Paracelse en lui donnant les qualités typiquement suisses de confiance en soi, d’obstination et de fierté. La plus grande influence néanmoins fut celle de son père dont il voulut venger la destinée. La revanche de Paracelse prit la forme d’un refus d’amour généralisé sauf envers son père, car pour autant que l’on sache, il n’a jamais aimé personne d’autre. A la suite de voyages et études variés, Paracelse se tailla la réputation d’un excellent physicien autodidacte dont l’arrogance déplaisait à tout le monde. Au milieu de sa vie, il s’intéressa à la philosophie et à la médecine. Bien que Paracelse fût resté affectivement un bon catholique, il adopta intellectuellement une philosophie païenne influencée par le néo-platonicien Marsilius Ficinus. Pour désigner son principal principe cosmogonique, Paracelse inventa le terme de Yliaster ou Hyaster que l’on peut traduire par « matière cosmique ». Pour lui, le principe spirituel passait après cette matière cosmique ; il considérait l’homme et l’univers comme des portions de la matière animée. Ainsi, tout en étant un animiste médiéval qui croyait en une nature pleine de sorcières, d’incubes et autres esprits, Paracelse était en même temps un matérialiste moderne. Selon lui, chaque chose était constituée de particules animées, ou entia, y compris les maladies. Celles-ci étaient donc des constituants nécessaires de la vie plutôt que des choses étrangères et honnies. Paracelse puisait sa pensée et son travail dans sa psyché qu’il explorait en profondeur et dans les superstitions païennes qu’il recensait largement. Bien que limité dans son travail par le savoir médiéval restreint, il utilisait les méthodes de l’empirisme scientifique, contribuant ainsi à la compréhension moderne de la nature de la maladie et de la vie elle-même.
000562 – Paracelse médecin. (1941)
In Jung, Collected Works of C. G. Jung, Vol.15, Princeton University Press, 1966, 160 p. (p. 13-30), (§18-43) & Jung, SYNCHRONICITÉ ET PARACELSICA, Paris, Albin Michel, 1988, (p.135-156).
Résumé des idées de Paracelse sur la nature de la science des physiciens, non sans faire remarquer que le rendement de la somme surprenante de ses écrits était inégal et que l’empreinte de sa personnalité irritante en rendait l’interprétation difficile. Des extraits de son œuvre sont abondamment cités pour souligner son conservatisme, évident dans son catholicisme, sa croyance dans l’alchimie et l’astrologie, l’accent mis sur le folklore ainsi que sa révolte contre la médecine académique. L’idée centrale de Paracelse tourne autour de l’importance qu’il y a à comprendre les choses extérieures pour comprendre les choses intérieures. Le physicien n’acquiert pas son savoir médical par le patient mais par l’étude des phénomènes extérieurs, en particulier de l’alchimie qui permet au physicien de porter un diagnostic sur les maladies à partir de leurs similitudes avec les maladies des minéraux. L’astrologie représente l’autre source importante du savoir du physicien car chaque organe du corps correspond à un astre et on doit tenir compte de cette relation au cours du traitement. On considère que la croyance de Paracelse en la magie annonce la place de la pharmacologie dans la médecine moderne. Analyse de l’aspect thérapeutique du travail de Paracelse à partir d’exemples montrant sa compassion à l’égard de ses patients. 49 références
000563 – Sigmund Freud dans son environnement historique. (1932)
In Jung, Collected Works of C. G. Jung, Vol.15, Princeton University Press, 1966, 160 p. (p. 33-40), (§44-59), & Jung, PROBLÈME DE L’ÂME MODERNE, Buchet Chastel, Paris 1960, (p.395-405).
L’œuvre de Freud est évaluée en fonction de son contexte historique, celui du passage de l’ère victorienne au 20è siècle. En attribuant à l’inutile refoulement sexuel l’origine de la pathologie, l’impact essentiel de la pensée freudienne est considéré comme un antidote nécessaire à la morale victorienne. Inversement, la volonté de Freud de donner des explications rationnelles est considérée comme un héritage du 18è siècle. On estime plus juste de considérer Freud comme un exemple du ressentiment du nouveau siècle à l’encontre de l’ancien plutôt qu’un précurseur de vérités nouvelles. L’insistance de Freud sur le refoulement sexuel comme origine exclusive des névroses et son propre enracinement dans le cabinet de consultation des médecins du 19è siècle expliquent la raison de la nature quasi doctrinale de son œuvre. On conclut que si Freud n’a pas pénétré les vérités profondes communes au genre humain, il a néanmoins admirablement rempli sa tâche historique. 1 référence.
000564 – En mémoire de Sigmund Freud. (1939)
In Jung, Collected Works of C. G. Jung, Vol.15, Princeton University Press, 1966, 160 p. (p. 41-49), (§60-73).
On retrace la carrière de Freud et sa contribution à la psychologie en reprenant le développement de la théorie freudienne depuis ses premiers travaux sur l’hystérie et l’hypnose avec Charcot. Le refoulement du traumatisme sexuel, pierre de touche de la sexualité infantile, est considéré représenter la racine de toutes les névroses. Cette théorie, ainsi que l’idée peu orthodoxe avancée dans « L’interprétation des rêves » et selon laquelle les rêves représentent une source essentielle de la connaissance de l’inconscient, sont considérées comme les contributions essentielles de Freud mais on n’apprécie pas ses incursions ultérieures dans la philosophie, la religion et la psychologie des primitifs. En regardant toutes choses avec un regard de physicien et par manque de pratique dans les autres domaines, Freud était incapable de transférer efficacement dans d’autres sphères sa façon d’appréhender les névroses. En outre, il ne voyait que les aspects ambigus et négatifs de l’inconscient et ce au détriment du pouvoir créateur et réconfortant de celui-ci. On considère que la psychologie de Freud a largement contribué à détruire les faux idéaux du 19è siècle, mais elle n’était pas à même de répondre aux besoins du 20è siècle. 2 références.
000565 – Richard Wilhelm : in memoriam. (1930)
In Jung, Collected Works of C. G. Jung, Vol.15, Princeton University Press, 1966, 160 p. (p. 53-62), (74-96), & Jung, COMMENTAIRE SUR LE MYSTÈRE DE LA FLEUR D’OR, Paris, Albin Michel 1979, (p.111-122).
A l’occasion d’un hommage rendu à la mémoire de Richard Wilhelm, exposé du pont qu’il avait jeté entre les cultures orientales et occidentales. L’exploit de Wilhelm fut d’avoir traduit et commenté le Yi-King. A travers cette œuvre, il a ouvert le monde européen à une approche différente de la science, approche non plus fondée sur le principe de causalité mais sur ce qu’on propose de définir comme le principe de synchronicité. Ce concept et sa relation à l’astrologie recouvrent la formule de base du Yi-King que l’on considère ici comme le fondement et la plus pure expression de la pensée chinoise, alternative ô combien nécessaire à l’intellectualisme et au rationalisme occidentaux. Il y a cependant un danger à adhérer de façon trop enthousiaste à cette nouvelle philosophie car on ne peut apprécier sa véritable valeur en l’acceptant aveuglement mais en l’intégrant dans notre propre culture. On admire la capacité qu’a eue Wilhelm à approcher librement, modestement et sans préjugés une culture étrangère et on relève la clarification et la confirmation qu’il a apportées à bien des recherches de Jung : c’est de Wilhelm que celui-ci a le plus appris. 2 références.
000566 – Sur la relation de la psychologie analytique à la poésie. (1931)
In Jung, Collected Works of C. G. Jung, Vol.15, Princeton University Press, 1966, 160 p. (p. 65-83), (§97-132), & Jung, PROBLÈME DE L’ÂME MODERNE, Buchet Chastel, Paris 1960, (p.353-380).
Dans une étude sur processus créatif en poésie et ses liens avec la psychologie analytique, analyse de la relation entre la psychologie et l’art. On ne discute pas de la définition de l’art parce qu’elle relève de l’esthétique et non de la psychologie ; ce que l’on vise ici, ce sont les émotions et les symboles qui gravitent autour. L’analyse débute par une critique du réductionnisme médical pratiqué par Freud. La biographie du poète éclaire l’œuvre, comme le soutient avec raison Freud, mais elle ne l’explique pas entièrement. La psychologie analytique n’est pas une psychologie médicale. Celle-ci doit être écartée lorsqu’on juge une œuvre d’art car une œuvre d’art n’est pas une maladie et demande une approche analytique différente. On repère deux types fondamentaux d’art et on avance quelques critères pour les différencier. Dans le premier (l’art introverti), la matière traitée par l’artiste n’est pour lui que matière soumise à son intention consciente ; dans le second (extraverti), l’artiste est complètement identifié à son œuvre, il semble cesser d’être un individu pour devenir la nourriture de sa créativité artistique. Le processus créatif est décrit comme une choses vivante implantée dans l’âme humaine, un complexe autonome qui possède sa vie propre en dehors de la conscience. Description du complexe autonome et plus particulièrement du complexe créateur : ce dernier provient de l’inconscient collectif constitué d’images primordiales ou archétypes. On décrit l’impact émotionnel de ces images lorsqu’elles apparaissent dans une œuvre d’art. En définitive, le processus créatif est défini comme la constellation inconsciente d’une image archétypique et la représentation de cette image dans une œuvre élaborée. L’importance sociale de l’art provient de la redécouverte des images primordiales oubliées et ramenées du plus profond de l’inconscient. Rapprochement entre le rôle de l’inconscient dans le développement individuel et celui de l’art dans les progrès d’une nation : de même que les réactions de l’inconscient corrigent l’unilatéralité d’une attitude individuelle, ainsi l’art représente un processus d’autorégulation dans la vie des nations et dans celle des époques.
000567 – Psychologie et littérature. Introduction. 1. e travail d’art. 2. L’artiste. (1930)
In Jung, Collected Works of C. G. Jung, Vol.15, Princeton University Press, 1966, 160 p. (p. 84-105), (§133-162), & Jung, PROBLÈME DE L’ÂME MODERNE, Buchet Chastel, Paris 1960, (p.321-352).
On souligne les raisons d’aborder la littéraire par le biais de la psychologie analytique et le rôle de la psyché humaine dans ces deux disciplines. La psychologie, c’est-à-dire l’étude du processus psychique, peut être appliquée à l’étude de l’œuvre littéraire car la psyché humaine est la matrice de tous les arts et de toutes les sciences. Cette approche se fait sous deux formes. Dans la première, l’objet de l’analyse est l’œuvre d’art achevée ; dans la seconde, c’est l’artiste comme personnalité originale. Bien que ces deux aspects de la créativité soient intimement liés, l’un ne peut expliquer l’autre. Description de deux modes de création artistique : le mode psychologique qui a trait à la représen-tation du contexte entourant la vie consciente de l’homme ; le mode visionnaire qui traite d’images primordiales transcendant la compréhension humaine. Le premier mode se borne à exprimer la perception et la propre expérience de l’artiste ; cette limitation détourne notre attention de la psychologie de l’œuvre d’art et la focalise sur la psychologie de l’artiste. On donne quelques exemples d’œuvres d’art utilisant le second mode visionnaire. Celui-ci fait apparaître au conscient des peurs nocturnes. On retrouve depuis le début de l’humanité des traces de l’effort humain pour exorciser ses peurs en les exprimant sous forme magique ou propitiatoire. On doit alors s’attendre à ce que le poète ait recours à ces images magiques pour exprimer sa propre expérience. Ces images venant de l’inconscient collectif, le psychologue ne peut que fournir des exemples comparatifs pour les expliquer et des concepts pour en discuter. Ce qui compte pour une étude littéraire c’est que les manifestations de l’inconscient collectif compensent l’attitude consciente. Résumé des idées de Freud à propos de la créativité de l’artiste et mise en évidence de leurs lacunes. On pointe la double nature de la personnalité créatrice : l’artiste est un être humain doté d’une vie personnelle mais aussi porteur d’un processus créatif impersonnel. Cette double nature pèse lourdement sur la personnalité artistique et c’est ce qui intéresse profes-sionnellement le psychologue. L’œuvre de l’artiste répond aux besoins de sa société et a donc de plus grandes répercussions que si elle impliquait sa propre destinée personnelle. Les images archétypiques qu’utilise l’artiste sont moralement neutres ; c’est pourquoi une grande œuvre d’art est toujours moralement et intellectuellement ambiguë. Pour en saisir le sens, nous devons la laisser nous modeler comme elle a modelé l’artiste. On pense que c’est dans cette participation mystique que réside le secret de la création artistique et l’impression que le grand art fait sur celui qui le contemple. 11 références.
000568 – Ulysse : un monologue. (1932)
In Jung, Collected Works of C. G. Jung, Vol.15, Princeton University Press, 1966, 160 p. (p. 109-134), (§163-203), & Jung, PROBLÈME DE L’ÂME MODERNE, Buchet Chastel, Paris 1960, (p.407-439).
Le monologue de l' »Ulysse » de James Joyce est un livre qui éveille l’intérêt du psychologue à cause de l’accueil controversé qu’il a reçu et de l’influence ulté-rieure qu’il a eue sur les auteurs contemporains. On décrit la frustration du lecteur qui tente de déchiffrer ce livre dont la note dominante est un vide des plus désespérants. On pense que cette œuvre est un exemple de pensée viscérale, c’est-à-dire d’un processus qui réduit de façon draconienne l’activité cérébrale et se cantonne dans l’information reçue des sens. On relève certaines similitudes avec la schizophrénie. Ulysse n’est cependant pas une produc-tion plus pathologique que l’ensemble de l’art moderne. Les aspects schizophréniques de celui-ci ne reflètent aucune pathologie particulière ches les artistes, mais la manifestation collective de notre temps. Chez les malades mentaux, les distorsions du sens et de la réalité sont une conséquence de la destruction de leur personnalité. La distorsion présente dans l’œuvre artistique n’est pas destructrice mais plutôt créatrice. On pense qu’en dépit son paganisme apparent, Joyce est en fait un véritable catholique irlandais. Au lieu de ne susciter, comme on aurait pu s’y attendre, qu’un intérêt local, c’est peut-être au catholicisme irlandais de Joyce qu’est dû l’intérêt populaire porté au livre, car nous sommes tous encore des citoyens du Moyen Age catholique. Le négativisme du livre représente un aspect opposé aux idéaux hautement moraux de cette époque-là, tandis que l’atrophie du sentiment est expliquée comme une réaction à trop de sentimentalité. Le détachement de la conscience individuelle est perçu comme le but, l’Ithaque, du livre tout entier. Tous les aspects négatifs de l’ouvrage de Joyce, tout ce qui est froid, bizarre, banal, grotesque et démoniaque, est en fait une qualité positive qui mérite d’être reconnue. A la fin, le pouvoir créateur masculin d’Ulysse se transforme en docilité féminine : « L’éternel féminin nous attire encore ». Ulysse distille une nouvelle et universelle conscience. 7 références.
000569 – Picasso. (1932)
In Jung, Collected Works of C. G. Jung, Vol.15, Princeton University Press, 1966, 160 p. (p. 135-141), (§204-214) & Jung, PROBLÈME DE L’ÂME MODERNE, Buchet Chastel, Paris 1960, (p.441-449).
Analyse, non pas de l’esthétique mais de la psychologie de l’œuvre de Picasso. En considérant son art comme la représentation picturale de processus psychiques, on peut rapprocher l’œuvre de Picasso et l’art des malades mentaux. Tous deux sont des formes d’un art abstrait qui tire son matériel de l’inconscient. L’expression picturale de ces contenus inconscients les rend plus accessibles à la compréhension des patients. Description des différences entre les deux types d’expression artistique des névrosés d’une part et des schizophrènes ; on note une similitude entre le travail de Picasso et celui du second groupe de patients. Ce qui ne veut pas dire que Picasso soit schizophrène. Ces deux types d’art ont un point commun : leur contenu symbolique. Dans chacun de ces types, une série d’images débute en général par le symbole de la nekyia (évocation des morts), du voyage aux Enfers, de la descente dans l’inconscient. On relève des exemples de la nekyia dans l’œuvre de Picasso. Analyse du symbole de l’Arlequin dont le périple à travers l’histoire psychique de l’humanité a pour but la restauration de l’homme complet en réveillant les souvenirs de la race. Les symboles de la folie vécus au cours d’un épisode schizophrénique de désintégration sont en général suivis par des images qui représentent la réunion des opposés. On observe que ce thème est très clairement perçu dans les derniers tableaux de Picasso. On ne fait aucune prédiction quant au travail futur de Picasso, bien que le tragique fondamental de l’image d’Arlequin soit pointé et comparé à une image similaire dans le Zarathoustra de Nietzsche.